Cette stèle marque le souvenir de ce que Marcel Vitte, regretté historien mâconnais, a intitulé dans ses " Chroniques de Thibon (1) " : " Noël tragique à Igé : le 23 décembre 1943 ". Résumons cette pénible histoire à partir du récit de M.Vitte et de différents témoignages réunis par le Comité du Mâconnais des Anciens Combattants de la Résistance (A.N.A.C.R.) :

 

" Dans la nuit d'hiver froid du 23 au 24 décembre 1943, à minuit et demi environ, à Igé, cinq jeunes maquisards tombent sous les balles allemandes, dont trois fusillés et six autres réussissent à s'échapper ".(2)

En vérité c'est une bien curieuse et triste équipée pour ce petit groupe de jeunes de 17 à 23 ans armés seulement de quelques revolvers et grenades, roulant tous feux camouflés dans trois autos poussives.


Ils viennent du camp F.T.P. de Brandon, près de Clermain (12 km au sud-ouest de Cluny) avec mission, sur instructions probables de "Vauban",commissaire militaire mâconnais du comité FTP régional de Lyon, de rejoindre leur camp de base de Gambetta situé à Fontainebrux dans la Bresse jurassienne qu'ils avaient quitté le 5 décembre dernier.
Dans la nuit, sous la conduite du chef de groupe Raymond Bouchot de Buxy, le groupe, peu familiers des lieux, se trompe souvent de route et prend du retard. A 23 heure 45, on parvient au village d'Igé pour ensuite se laisser glisser dans la plaine vers le pont de Fleurville. Le petit convoi traverse le village sans opposition malgré une sentinelle allemande postée devant le château. On s'engage par Domange dans le silence et la nuit et l'on atteint le hameau du Martoret que l'on traverse.


Et puis soudain, (dans la montée des Cornards) c'est l'enfer.
De tous les fossés partent des rafales de mitraillette où montent des hurlements et jaillissent des dizaines de soldats allemands jeunes et combatifs. Par une coïncidence tragique et imprévisible, une compagnie d'élèves sous-officiers de la caserne Bréart à Mâcon effectuait ici et ce soir là, une manœuvre de nuit, avec tirs réels et balles traçantes.
Le combat, inégal, fut bref et meurtrier.

Un jeune maquisard est tué sur le coup sous les balles allemandes : Pierre Savatier, 2O ans, de Villefranche. Georges Debost, 19 ans, de Chalon est grièvement blessé et décédera le lendemain à l'hôpital de Mâcon ; avec lui, quatre sont faits prisonniers : Georges Bonnavent, dit "le gosse", à peine 17 ans également de Villefranche ; Antoine Poillot, 23 ans, alias "Loulou" ; Robert Chassagnite, 20 ans et un maquisard qui restera anonyme dans le rapport de gendarmerie du lendemain (un Italien, dit "le Mataf "?). Ils seront tous quatre fusillés à Brandon après avoir été torturés à Mâcon mais R. Chassagnite, laissé pour mort dans la cabane incendiée par les allemands, en réchappera miraculeusement avant, hélas, de tomber quelques mois plus tard à Charbonnat.


Cinq autres réussissent à s'échapper par chance, sang-froid et courage : Gabriel Mouchoux, 20 ans de Buxy, qui abat avec son revolver l'allemand qui le tient; mais sera le 11 mars 1944 tué place de la Barre à Mâcon.


Gustave Guyennon, " Georges Gérard " au maquis, aujourd'hui à Pont-de-Veyle, père de Christine Landrix, qui lança sa grenade sur un groupe ennemi et qui réussit, après deux jours de marche, à regagner Fley ; Ernest Bertin de Novalaise, deux autres camarades de Buxy : Robert Bouchot et Lucien Bonnette, 20 ans. Seuls G. Guyennon et E. Bertin sortiront vivants des combats livrés dans les maquis avant la libération du pays.

Robert Bouchot

Robert Chassagnite

Ce discret monument du souvenir, placé à deux cent mètres des événements de 1943, a été inauguré par Monsieur Pisseloup de l'Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance (ANACR) le 2 juillet 1995 en la présence des deux rescapés MM. Guyennon et Bertin. (Cf. Photo).

(1) Son pseudonyme dans la Résistance.
(2) Interprétation modifiée depuis.

la Stèle du Martoret