Extrait du Livre d'or des bienfaiteurs de l'Académie de Mâcon :

"En 1931, M. ETIENNE GRILLET, propriétaire à Igé (S.-et-L.), né et décédé à Igé (11 mars 1867- 6 décembre 1931), membre associé de l'Académie depuis le 20 octobre 1910, a, par testament, institué notre Compagnie sa légataire universelle, en spécifiant que l'Académie pourra disposer comme bon lui semblera, sans réserve, du quart de la succession, à charge d'employer les trois autres quarts à l'organisation et à l'impression d'une publication périodique intitulée les Annales d'Igé en Mâconnais, dans des conditions dont le testament précise minutieusement le détail."

Procès-verbal du 17 décembre 1931.-Arrété préfectoral du 31 mai 1932.

 

Biographie d'Etienne GRILLET (1867-1931)

Etienne Grillet est né le 11 mars 1867 à Igé (Saône-et-Loire) au sein d'une famille igéenne :
Son père, Claude Grillet, fils d' Etienne Grillet et de Claudine Sologny, est né (7 novembre 1832) et mort à l'âge de 72 ans ( 27 juin 1905) à Igé. Claude Grillet sera maire du village de 1896 à 1904.
Sa mère Marie Coquillat est née (22 mars 1840), mariée (1859), et décédée à 56 ans (10 novembre 1896) à Igé. Ils exerçaient à Igé la profession de propriétaires meuniers .

Après son certificat d'études passé à Igé, il poursuit ses études au Lycée Lamartine à Mâcon (1884-1887) d'où il sort bachelier ès lettres.
Admis sans concours le 8 octobre à l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales, 43 rue de Tocqueville à Paris alors sous la Direction de E. Jourdan, établissement rattaché à la Chambre de Commerce de Paris.
Très bon élève, signalons néanmoins cette anecdote, où lors d'une rentrée de permission, il sera consigné une demi-journée pour " être monté se coucher au dortoir sans passer par l'étude " !
En 1889, obtient brillamment son diplôme H.E.C. en sortant cinquième (sur 49) de sa promotion avec 15,31 de moyenne.

A la suite d'un séjour à Hambourg, correspondant peut-être à son service militaire, il parle couramment l'allemand.

Le 1er janvier 1891, il entre au service des "Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée" (P.L.M.) et est employé comme commis de gare à Saint-Etienne et affecté en gare de Bellevue (Loire) avec un traitement annuel de 1350 francs ( 125 f. par mois).
Il est affecté ensuite à l'Inspection principale de la 3ème section de Dijon comme commis de 2ème classe puis, en 1894, facteur de 1ère classe au service d'Exploitation. Mais il reste très insatisfait de sa situation professionnelle après 4 années de travail et n'a de cesse de s'en plaindre à ses supérieurs hiérarchiques mais aussi auprès de son ancien directeur d'HEC. !
Dès avril 1894, à la suite de suppressions d'emplois et de réduction dans les cadres du personnel, il est renvoyé dans les gares. Cette nouvelle situation renforce sa volonté de changement de service. Il argumente que la reconstitution du vignoble en Bourgogne rend secondaire la question pécuniaire avancée jusqu'ici (ce qui suppose une aide consentie par ses parents) et il fait ainsi fi d'une augmentation au profit d'une affectation qu'il juge prioritaire et qu'il souhaite dans le service des payeurs de la Compagnie.
Malheureusement, en mars 1896, il attend toujours une nouvelle affectation, cette fois au service des Affaires commerciales, mais il est débouté pour une qualité d'écriture … insuffisante !
Il faudra attendre juillet 1899 pour qu'une lettre de la Direction de la Compagnie P.L.M. , 88 rue Saint-Lazare, informe le Directeur d'HEC qu'Etienne Grillet, commis principal de 4ème classe à la gare de La Fouillouse, sera prochainement affecté à la 6ème division du Service central à Paris, section " Tarifs et affaires commerciales ".
Cependant, cette affectation souhaitée semble, quelques mois plus tard, teintée de nouvelles revendications salariales principalement dues aux différences de salaires pratiquées avec les tout jeunes sortants de son ancienne école. Par une lettre en date du 29 novembre 1900, il récapitule sa carrière et relance une demande d'augmentation. De 1350 francs/an il est passé à 2100 huit années plus tard… Ces émoluments sont alors inférieurs à ceux des jeunes recrus de la Compagnie !
Il semble bien que sa carrière ne fût pas par la suite à l'image de ses ambitions et il renoncera définitivement à un emploi dans l'administration en 1907.

E.Grillet s'installe alors dans la maison familiale d'Igé restée inhabitée depuis la mort de son père. Entre-temps il s'est marié à Catherine Descloux, sans profession, née à Laizé le 31 juillet 1869. Le couple n'aura pas de descendant.

Vivant du rapport que lui procure les vignes de ses parents, il va s'investir dans une vie culturelle active autour de l'archéologie. Il est membre de la Société Préhistorique de France et il participe aux fouilles diverses effectuées autour d'Igé dans les années 1910. Le résultat de ce travail : " Recherches préhistoriques en Mâconnais 1912-13 " a été publié en collaboration avec le chercheur Berthier, dans le Bulletin n° 26 des Annales de la Société des Sciences Naturelles d'Autun pp. 132 à 147. Il devient membre associé de l'Académie de Mâcon le 20 octobre 1910 et participera à ses travaux vingt années durant.

Mais, depuis la disparition de son épouse, le 8 mai 1931, il est inconsolable et la neurasthénie le gagne. C'est ce qu'il avoue dans une dernière lettre à son ami Joanny Dailly, son cousin, datée du 4 décembre. Il envisage de mettre fin à ses jours dans la carrière de Saint Germain, laissée à l'abandon depuis la mort récente (7 juillet) de Jean-Baptiste Vincent, le tailleur de pierre du pays. en réalité, on le retrouvera au fond de son jardin, sous l'échelle de la citerne d'eau, le 6 décembre 1931.

Cette lettre règle tous les problèmes avec soin et comporte de nombreuses recommandations. Elle est accompagnée d'une seconde à destination de son notaire, et rien n'est laissé au hasard.

Quelques mmois auparavant, il avait rédigé minutieusement son testament et l'avait déposé le 29 août 1931 chez Maître Vigouroux à Azé. Il instituait ainsi l'Académie de Mâcon comme sa légataire universelle et la chargeait d'établir une Histoire d'Igé suivant des recommandations très précises.
Ce testament remis au juge de Mâcon le 11 décembre 1931 a fait l'objet d'un arrêté préfectoral en date du 31 mai 1932.

Ces dispositions généreuses et exceptionnelles vont permettre à la commune d'Igé de disposer d'Annales tout à fait remarquables qui seront l'empreinte éternelle d'Etienne Grillet sur sa " petite patrie ".
Aujourd'hui, les "Annales d'Igé en Mâconnais " éditées par l'imprimeur Protat à Mâcon entre 1936 et 1942 (5 volumes) sont recherchées et constituent une source incontournable d'intérêt pour tous ceux qui s'intéressent à la vie et à l'histoire locale en Mâconnais.

©R.Vincent-06/2003